STUKJES TEKST en SAMENVATTING van het eerste hoofdstuk van Autour de Danton, door Albert Mathiez, Paris, 1926

Albert Mathiez heeft een hele rits boeken over de Franse revolutie geschreven. In drie daarvan komt Etta voor:

● Le club des Cordeliers pendant la crise de Varennes et le massacre du Champ de Mars, 1910, zie mijn aantekeningen bij dat boek.

● La Révolution et les étrangers, 1918, zie mijn aantekeningen bij dat boek.

● Autour de Danton, 1926, zie hier onder.

(Hardenberg noemt ook Les grandes journees de la Constituante, Paris, 1913, maar daarin kom ik Etta niet tegen.)


Autour de Danton begint met een onevenredig groot hoofdstuk met de titel RECHERCHES SUR LA FAMILLE ET LA VIE PRIVÉE DU CONVENTIONNEL BASIRE. In zijn boek La Révolution et les étrangers had hij al vermeld dat Claude Basire 'les lettres les plus tendres' aan Etta schreef, maar nu heeft hij ook haar brieven aan hem gevonden.

Dat grijpt hij aan om diep in de familiegeschiedenis van Basire en in de geschiedenis van Dyon te duiken, wat ik hier meest niet opgenomen heb. In onderstaande zijn stukken platte tekst uit het boek afgewisseld met mijn commentaar of samenvattingen in cursief.

Van de noten in het boek heb ik alleen die van de brieven van Etta opgenomen. Voor alle andere noten zal de geïnteresseerde in het originele boek moeten zijn.


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Si on en excepte Danton, qui a fait l'objet de nombreuses études, dont les dernieres seules ont une valeur critique, la plupart des conventionnels de la Montagne, qui furent ses amis et qui s'assirent à ses côtés sur les bancs du tribunal révolutionnaire, sont plus célèbres que connus. Leur vie publique est résumée en quelques lignes dans quelque article d'un dictionnaire biographique. Leur vie privée, qui jetterait quelque lumière sur les accusations dont la plupart furent l'objet, reste plongée dans une obscurité complète.

Zo gaat hij nog een tijdje door waarbij nadat andere biografen de jas is uitgeveegd, ook de stad aan bod komt:

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La ville de Dijon a inscrit le nom de Basire sur la plaque d'une de ses rues. C'est tout le souvenir qu'elle a gardé de l'homme qui fut un des chefs du mouvement révolutionnaire en Bourgogne. Un nom, rien de plus.

En omdat ook oudheidkundige verenigingen het hebben laten liggen, moest Mathiez het helemaal alleen doen:

Je n'ai donc trouvé que peu de chose dans leurs publications sur le sujet qui m'occupe. J'ai dû recourir aux pièces d'archives. Je ne me flatte pas de les avoir toutes vues. Ceci n'est qu'un essai que d'autres, plus heureux, pourront compléter un jour.

Waarna hij pas echt begint:

Claude Basire, le futur conventionnel, a été baptisé, le 15 mai 1764, à l'église Saint-Jean, sa paroisse. Il était fils de Guillaume Basire, bourgeois, et de Pierrette Michelet, sa femme.
Guillaume Basire était déja un vieillard, agé de 69 ans, quand il eut ce rejeton d'arrière-saison.
J'ai retrouvé dans les registres de la paroisse Saint-Jean l'acte de mariage de Guillaume Basire avec Pierrette Michelet.

Le 25e juillet 1757, je soussigné, doien curé de l'église collégiale et paroissiale de Saint-Jean-Batiste de Dijon, ai donné la bénédiction nuptiale, avec les cérémonies accoutumées, au sieur Guillaume Bazyre, aïant déja été marié, d'une part, et à demoiselle Pierrette Michelet, fille mineure du sieur Nicolas Michelet, marchand en cette ville, et de demoiselle Marianne Dusaussoye, père et mère, tous deux de cette paroisse de Saint-Jean où leur premier ban a été publié sans opposition avec dispense des deux autres, vu l'extrait mortuaire de la première femme du futur époux. Fait du consentement des parents de la future épouse en présence des sieurs Jean-Batiste Enguerrant, conseiller du roi, juge garde de

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la monnaie de Dijon, Jean-Batiste Beguillet, notaire roïal, Etienne Navier, marchand, et Maître Edme Beguillet, avocat à la Cour, tous demeurant a Dijon, témoins requis et soussignés avec les parties.
MICHELET, DUSAUSOY, MICHELET, Pierrette MICHELET,
BASIRE, ENGUERRANT, BEGUILLET, NAVIER, DUSAUS
SOYE, BÉGUILLET, LIAUTÉ, doïen-curé.

J'ai essayé de connaître le nom de la première femme de Guillaume Basire. Mes recherches ont été infructueuses. Peut-être Guillaume Basire l'avait-il épousée avant de s'établir a Dijon et peut-être est-elle morte ailleurs qu'à Dijon.
Car la famille Basire n'est pas d'origine bourguignonne, mais, selon toute apparence, d'origine normande.

Om aan te tonen dat ze nog niet zo lang in Dyon wonen, doet hij het huwelijk van een neef van Claude Basire's vader.

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Die neef trouwt ook met een Michelet en die behoren volgens Mathiez tot de betere burgerstand van Dyon.

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De vader Michelet staat vermeld als 'garde mousquetaire de Son Altesse Mgr le prince de Condé' en als marchand fripier. Zijn dochter Pierette is dus de moeder van Claude Basire:

Pierrette était née le 15 janvier 1735. Elle avait donc vingt-deux ans et demi quand elle devint Madame Guillaume Basire. Son mari, âgé de 62 ans passés, avait pres de trois fois son âge. Elle contractait évidemment un mariage de raison.

Volgens nog enkele niet interessante details over de andere dochters van meneer Michelet.

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Nicolas Michelet, le marchand fripier, n'aurait pas donné sa fille Pierrette à un barbon de 62 ans, si ce barbon n'avait pas eu du bien au soleil. Guillaume Basire, qualifié de négociant dans les actes, était, en effet, un marchand drapier enrichi qui possédait une belle fortune.

Mathiez bestrijdt een plaatselijke schrijver die beweert dat vader Basire iets anders was dan marchand drapier.

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Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'au moment de son mariage avec Pierrette Michelet, Guillaume Basire était un personnage dans la ville. Si on en croyait un érudit local, il aurait eu l'honneur d'etre chansonné par le néveu du célebre Piron. "Un jour, Bernard Piron, faisant sa promenade sur le rempart, remarque un pavillon neuf édifié sur l'un des anciens bastions par M. Basire, marchand drapier enrichi, dont un des fils, Claude Basire cadet, fut député à la Convention. Une girouette, représentant un Mercure ailé, figurait au faîte du toit. Le lendemain circule dans toutes les bouches le quatrain du jour rimé par Bernard Piron:

En dépit des malins, Basire eut bien raison
De placer un Mercure en haut de sa maison.
De l'enfant de Maïa, vive et brillante image,
Au dieu de la rapine il devait eet hommage.

C'est en vain que la fâcheuse girouette disparut dans les deux jours. Piron veillait et la riposte ne se fit pas attendre:

Mercure disparut ! Où donc pourrait-il être ?
Il est allé chercher des p... pour son maître.

Si le satirique dit vrai, Guillaume Basire avait une réputation bien établie de paillardise. Son jeune fils Claude, le conventionnel, héritera de son goût immodéré pour le beau sexe.
Il  ne semble pas que de sa première union, dont je ne sais rien, sinon qu'elle exista, Guillaume Basire ait eu des enfants. Il n'en fut pas de même de la seconde. Pierrette Michelet lui donna successivement deux garçons, Nicolas-

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Nicolas-Guillaume Basire, né le 9 décembre 1759; Claude Basire, né le 15 mai 1764, et une fille, Suzanne Basire, née le 9 septembre 1770.
Deux ans plus tard, le 19 juillet 1772, Guillaume Basire s'éteignait à l'âge de 77 ans. Il fut inhumé le lendemain au charnier de l'église Saint-Jean, “en présence de Messieurs les chanoines qui ont assisté processionnellement à son convoi”. Ses deux fils avaient l'aîné 12 ans et demi, le cadet 8 ans. Ils signèrent tous les deux sur le registre des décès.
Par un testament olographe, souscrit le 27 février 1767, dévant Me Mollée, notaire á Dijon, Guillaume Basire avait institué ses trois enfants comme héritiers universels et donné a sa femme Pierrette Michelet “la propriété des meubles et acquêts de leur communauté et une somme de 20.000 livres à prendre sur ses biens anciens ou le quart desdits biens à son choix”. Il évaluait donc sa fortune antérieure à son mariage à 80.000 livres, somme respectable pour l'époque.
Le rôle de répartition pour l'acquittement des deux vingtièmes et de deux sols par livre imposés sur la communauté des marchands drapiers et merciers de la ville de Dijon, nous apprend, en effet, que Guillaume Basire figurait dans le rôle pour une taxe de 40 livres, à la date de 1771, un an avant sa mort. Un seul autre marchand drapier figurait pour une aussi forte cote, Belot, taxé également à 40 livres. Les autres marchands n'étaient taxés qu'a 8 ou 10 livres.
Pour la même année 1771, le sieur Bazire, bourgeois,

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place Saint-Jean, était taxé pour 12 livres au rôle de la taille et capitation.
Sur les acquêts de la communauté, nous sommes renseignés par une déclaration que fit Pierrette Michelet à l'enregistrement après l'ouverture de la succession de son mari.

A comparu dame Pierrette Michelet, veuve et donataire de la propriété des meubles et acquêts et de l'usufruit des biens anciens du sleur Guillaume Basire, bourgeois a Dijon, décédé le 19 juillet 1772, suivant son testament olographe du 27 février 1767, souserit devant Molée, le 28 du mois, contrôlé et insinué à Dijon, le 20 juillet 1772.
Laquelle a déclaré que ledit Michelet (lire Basire) n'avait aucuns biens immeubles anciens et que les acquêts de leur communauté ne consistent que dans un domaine a Savigny-sous-Beaune en vignes qu'ils ont acquis par décret sur M. Blancheton de Bussy, moyennant 23.500 livres, par proces-verbal du 15 décembre 1764, insinué a Beaune le 19 janvier 1765, lequel domaine n'est pas aujourd'huy de plus grande valeur, ce qui fait pour la moitié du chef du sr Michelet (Basire) la somme de 11.720 livres, dont le centième denier sera payé a Beaune;
qui sont tous les immeubles de la dite succession et leur juste valeur. Affirmé véritable a la forme des réglemens et a signé : Vve Basire.

La veuve Basire ne continua pas le commerce de son mári. Elle dut céder le fonds de draperie à son beau-frère, qui était en même temps le neveu de son mari défunt, car celui-ci figure seul désormais sur le róle du vingtième d'industrie des marchands drapiers. Il y est taxé sur le rôle arreté au 7 décembre 1772 pour la somme de 30 livres. C'est la plus forte cote du rôle de cette année.

Verder over de oom van Claude Basire, die dus ook met een meisje Michelet getrouwd is.

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Daarover gaat het nog even door, die ook doet het in zaken heel goed en staat als rijk bekend.

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Maar die oom overlijdt in 1783, 51 jaar oud.

Sa femme, née Anne Michelet, continua son commerce.
A cette date déja, sa soeur, veuve de Guillaume Basire, s'était remariée depuis trois ans. Elle avait épousé un veuf, Jacob Petit, avocat a la Cour et premier commis greffier des Etats de Bourgogne. Voici son acte de mariage, qui fut célébré a Saint-Jean:

Le 8e may 1780, je soussigné Pierre Navier, pretre mépartiste de l'église Notre Dame de cette ville, ay donné, de l'agrément de

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Mr Brion, doyen curé de cette église (St Jean), la bénédiction nuptiale, avec les cérémonies accoutumées, et apres nous être fait représenter tous les papiers nécessaires à cet effet, ensemble la dispense de deux bans accordée par Mgr l'évêque de Dijon signée Fevret, vicaire général, a Me Jacob Petit, avocat à la Cour et greffier des Etats de Bourgogne, ayant déja été marié, d'une part, demeurant sur la paroisse St Nicolas, et Pierrette Michelet, demeurant sur cette paroisse, veuve de Mr Guillaume Basire, bourgeois, d'autre part. Fait en présence de Mr Philippe Petit, avocat a la Cour, frère de l'époux, Mr Jacques Boillaud, premier commis des Etats, chef du bureau du vingtième, beau-frère du sieur Petit, Mr Robert Basire, négociant à Dijon, Mr Etienne Navier Du Saussoye, bourgeois à Dijon, et Claude Bernard Navier, avocat à la Cour, témoins, tous demeurant á Dijon requis et soussignés avec les parties.
MICHELET PETIT, PETIT, BOILLAUD, BASIRE, PETIT,
NAVIER, HUBERT MORISOT, puiné, NAVIER prêtre,
BRION, doïen curé.

Jacob Petit, qui épousait en secondes noces Pierrette Michelet, veuve de Guillaume Basire, et mere du conventionnel, avait á cette époque 49 ans.

Daarna stuk over het eerste huwelijk van die Jacob Petit, die dus de stiefvader is van Claude Basire.

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De son union avec Marie-Madeleine Carré, Jacob Petit eut deux filles, Claire, l'aînée, née en 1763, à une date que j'ígnore; Jeanne, la cadette, née le 23 mars 1765.
Quand il se remaria avec la veuve de Guillaume Basire, ses files avaient respectivement 17 et 15 ans. Sa nouvelle femme avait de son premier mariage deux fils, Nicolas-Guillaume Basire, alors âgé de 20 ans et 6 mois, et Claude Basire, le futur conventionnel, alors âgé de 16 ans. L'idée devait venir naturellement d'unir les enfants comme s'étaient unis les parents, et c'est en effet ce qui arriva.
Le jour même ou Jacob Petit épousait Pierrette Michelet, veuve de Guillaume Basire, il mariait sa fille aînée Claire au fils aîné de Guillaume Basire, Nicolas-Guillaume. Les

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deux mariages, celui des parents et celui des enfants, furent bénis le même jour à Saint-Jean par le prêtre Navier, qui était un ami de la famille.

Hier informatie over de huwelijksakte die ik niet heb overgeomen..

Ce double mariage ne manqua pas de faire sensation à

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Dijon, et l'annaliste Micault n'eut garde d'oublier de le signaler dans son journal (Mercure dijonnais).
Moins de trois ans plus tard, le 24 février 1783, le fils cadet de Guillaume Basire et de Pierrette Michelet, Claude, le futur conventionnel, alors âgé de 19 ans à peine, épousait, à Saint-Jean, la fille cadette de Jacob Petit âgée de 18 ans à peine.

Le 24e du mois de février 1783, nous soussigné doyen curé de cette église, avons donné la bénédiction nuptiale avec les cérémonies accoutumées à M. Claude Basire, fils mineur de feu Guillaume Basire, bourgeois de cette ville, et de dame Pierrette Michelet, épouse de Me Jacob Petit, ledit sieur Claude Basire procédant de l'autorité de ladite dame sa mère, d'une part, et à demoiselle Jeanne Petit, fille mineure dudit Me Jacob Petit, avocat à la Cour et greffier des Etats de Bourgogne, et de feue dame Magdelaine Carré, ses père et mère, ladite demoiselle Jeanne Petit procédant de l'autorité dudit Me Petit, son père, demeurant tous sur cette paroisse, d'autre part ; le premier ban ayant été publié en annonçant la dispense des deux autres sans opposition, vu ladite dispense accordée par Mgr l'évêque de Dijon, vu aussi la dispense de la règle des 24 heures accordée par Mr Chappelot, vicaire général du diocese. Fait en présence de la mère de l'époux, du père de l'épouse et de Messieurs Jean Pierre Robert Francois Basire, négotiant, Claude Bernard Navier, avocat à la Cour, Jacques Boileau, premier commis au grefIe des Etats, chef du bureau des vingtiemes, et Louis Augustin Morizot, contraleur des greffes du Parlement, tous témoins demeurants a Dijon, requis et soussignés avec les parties.
PETIT BASIRE, BASIRE, PETIT, MICHELET PETIT, BASIRE NAVIER, MORISOT, BASIRE, BOILLAUD, PETIT, BRION,
doïen curé.

Ce second mariage n'excita pas moins la curiosité que le premier. L'avocat Micault ne se borna pas cette fois à le noter dans son Mercure Dijonnois. Il le commenta en ces

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termes: “Le 25 février, M. Basire puiné, commis au burreau des Etats, épousa Mademoiselle Petit puinée. C'est une tres jolie personne, mais elle est boiteuse. M. Petit a épousé la veuve Basire et ses deux filles ont épousé les deux fils de la veuve, triple alliance.”
Jacob Petit ne survécut pas longtemps au mariage de sa seconde fille. Il mourut quatre mois plus tard, le 20 juin 1783, à l'âge de 52 ans, et fut enterré dans le cimetière commun de la paroisse Saint-Jean. Ses deux beaux-fils ett gendres, Basire l'aîné et Basire cadet, signèrent l'acte de décès.

Hier een minder interessant stukje dat ik oversla. Dan:

Les enfants de Guillaume, l'ainé Nicolas-Guillaume, et le cadet Claude, le futur conventionnel, avaient fait tous les deux de bonnes études au collège-séminaire des Oratoriens, qui était voisin de leur maison de la place Saint-Jean. Si on en croyait l'article de Durozoir dans la biographie Michaud, Claude aurait d'abord voulu embrasser l'état ecclésiastique. Il se serait distingué par de brillants succes au college et il aurait manifesté la piété la plus exemplaire. “Le sentiment religieux dont il était alors dominé dirigeait sa vivacité et son ardeur naturelles.” Je laisse à l'abbé Michaud la responsabilité de cette appréciation.
Sous son apparence impulsive, le jeune Basire, fils de marchand dans sa double hérédité paternelle et maternelle,

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n'était pas sans savoir le prix de l'argent. Sa famille ne dut pas avoir grand'peine à le détourner de la carrière ecclésiastique et à lui représenter que son avenir était tout tracé, comme celui de son frère ainé, du cóté des études juridiques. Il fit son droit et, dès qu'il eut ses grades, son beau-pere Jacob Petit lui procura, a lui comme a son frère aîné, un emploi de commis a son greffe.
Les deux freres dans la suite se révélerent bien différents. Tandis que l'aîné accroissait sans cesse sa fortune en homme d'affaires consommé, le jeune, prodigue et dissipé, semblait n'avoir hérité de son père que le gout exagéré pour le cotillon.
En épousant Claire Petit, Nicolas-Guillaume Basire avait reçu de sa mère une dot de 22.000 livres. Il avait reconnu dans le contrat une rente viagère de 296 fr. 30 qui serait assurée a sa femme a sa mort. Quand mourut Jacob Petit, son beau-pere, il hérita au nom de sa femme d'une partie des biens du défunt qui n'étaient pas sans importance. Jacob Petit avait donné par testament a sa femme Pierrette Michelet la propriété des meubles et des acquets de la communauté et l'usufruit des anciens, antérieurs au mariage, “le tout jusqu'à concurrence de la part d'enfant dont il lui est permis (de disposer) par l'édit des secondes noces”. Ses deux filles Claire et Jeanne étaient instituées ses héritieres universelles.
Or je vois que Jacob Petit, du vivant de sa premiere femme, Madeleine Carré, avait acheté, le 17 septembre 1768 par devant le notaire Bouché, le fief et domaine de Chanlevé, à Dijon, que lui avaient vendu pour 24.000 livres

Hierna gaat het diverse pagina's over de eigendommen en rijkdommen van de andere familieleden en het wordt pas weer interessant op:

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Tandis que son frère et son cousin germain s'enrichissaient, Claude Basire, le futur conventionnel, employé d'abord comme son frère au greffe des Etats, dilapidait son patrimoine et celui de sa femme.
Il avait d'abord aimé sa jolie boîteuse qui lui donna une fille, Claire, baptisée a Saint-Jean le jour même de sa naissance, le 14 décembre 1783. Mais ce fut l'unique enfant qu'il eut de Jeanne Petit. Il est probable, bien que je n'aie pu recueillir là-dessus de précisions, qu'il mena ensuite une vie dissipée, car, au début de la Révolution, il était ruiné. La famille finit par s'émouvoir.
On réunit le tribunal de famille qui décida, le 3 mai 1791, que Mme Claude Basire serait dorénavant séparée de biens d'avec son mari et que celui-ci serait condamné “a lui rendre et restituer sa dot et les biens qui lui étaient avenus par succession, et a lui relâcher, pour la remplir de ses biens non existants, les capitaux provenants de son chef, le mobilier et la bibliothèque par lui acquise, sur le pied de l'estimation qui serait faite entre eux, de ces deux derniers objets”.
La décision du tribunal de famille fut homologuée par jugement du tribunal du district, le 23 janvier 1792. Le 6 février suivant, on procéda a la liquidation de la com-

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munauté. Avec les capitaux que Basire lui restitua, Jeanne Petit put acheter un domaine à Dampierre, près Vitteaux, dans le Semurois.
Basire perdit la propriété de sa bibliothèque et il ne posséda plus au domicile conjugal qu'un cabinet d'histoire naturelle auquel il tenait particulièrement.
L'inventaire dressé après sa mort énumère quelques-unes des pièces qui constituaient ce cabinet, qui devait être une des curiosités de Dijon. On y voyait “une machine méchanique ayant la figure d'une montagne couverte de rocaille et de minéraux et sur laquelle et de place en place sont des ateliers différents qui se mettent tous en mouvement par le jeu d'une manivelle adaptée a un cylindre. La machine couverte d'une boëte vitrée, le tout estimé 800 livres". Cette machine devait sans doute résumer la technique métallurgique de l'époque. Il y avait encore "une boëte garnie de ses glaces pour faire rapport d'objets dans la chambre obscure”.
Basire s'intéressait à la physique. Il n'était pas pour rien le voisin du savant Guyton de Morveau, qui habitait comme lui place Saint-Jean, dans une maison voisine de celle où il était né. Il s'intéressait aussi à la géologie, science toute nouvelle alors, mise à la mode par M. de Buffon, qui avait longtemps habité Dijon et qui était mort dans le voisinage, au chateau de Montbard. Basire avait dans son cabinet d'histoire naturelle toute une armoire remplie de coquillages, tant grands que petits, y compris l'enveloppe d'une tortue, 163 pétrifications, autrement dits fossiles, y compris aussi une tête et une mâchoire humaines pétrifiées. Il possédait enfin un squelette d'enfant et 47 échantillons de minéraux divers. L'ensemble du cabinet fut prisé à la valeur de 1.859 livres. Ainsi Claude Basire ne s'était

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pas endetté seulement pour contenter son besoin d'aimer. Il avait fait une part a la curiosité scientifique.

Séparé de biens, Basire continua d'abord d'habiter avec sa femme. Celle-ci n'avait voulu, dit-elle, que soustraire son patrimoine à la dilapidation de son mari et aux poursuites de ses créanciers. Le tribunal de famille avait fixé le chiffre de la pension que Basire serait tenu de lui payer, tant qu'il aurait une place et un traitement, à charge pour elle de le nourrir, loger, chauffer, éclairer, etc.
Il est remarquable que la décision du tribunal de famille prononçant la séparation de biens, qui est du mois de mai 1791, ne fut homologuée par le tribunal du district que dix mois plus tard et ne reçut son effet qu'en février 1792. Ce retard s'explique peut-être par le souci qu’eut la famille de préserver la carrière politique de Claude Basire, qui était déja devenu un personnage en vue dans sa ville natale et qui songeait peut-être, dès cette époque, en mai 1791, a briguer un mandat de député.
Mais, dans les petites villes, tout finit par se savoir. Une aristocrate, Mme de Montherot, écrivait déja à un de ses correspondants, à la date du 8 octobre 1791: “On dit que le cadet Bazire est parti ruiné. Ce dont je suis sûre, c’est qu'il a vendu la montre de sa tante il y a trois semaines.” A cette date, Claude Basire, nommé député a la Législative, venait de quitter Dijon pour la capitale.

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Endetté et ruiné, Claude Basire se jeta-t-il dans la politique pour refaire sa fortune? Ou se laissa-t-il simplement entraîner par le courant général? C'est ce qu'il est bien difficile de conjecturer. Il avait une nature impulsive. Il etáit beau parleur. Il aimait les distractions et les émotions fortes. Il parut dès le début de la Révolution sur la scène de sa ville natale.
Quand il sera, plus tard, arrêté sous la Convention, le club de Dijon retracera ses états de services patriotiques dans une adresse qui porte 176 signatures:

Le 12 juillet 1789, dit ce document, il sonna lui-même à Dijon le tocsin de la liberté, harangua le peuple, provoqua la prise d’armes et fut sommer le commandant d'en donner à ses concitotoyens. Il s'adjoignit plusieurs patriotes, forma un état-major qui s’empara des clefs de la ville, consigna chez eux les nobles et les prêtres (ce qu'on n'a fait nulle part) et forma l'établissement de la garde nationale.

Le registre du comité permanent, qui se forma à Dijon le 17 juillet 1789, a gardé, en effet, la trace de l'action de Basire pendant cette crise. Dans sa première réunion, le comité permanent, c'est-à-dire la municipalité révolutionnaire, formée des anciens échevins auxquels s'étaient adjoints les représentants des corps et des communautés, confirma la nomination de l'état-major de la garde bourgeoise déja formée, et nous voyons que l'état-major, qualifié de provisoire, était ainsi composé: major, Viardot, advocat; aide-major, Genret cadet, procureur; capitaines, MM. Le Roy, Basíre cadet, Mougin notaire, Villiers avocat, Noirot, Lagoutte, Payelle, Millard, Delacrotte, etc. Trois jours plus tard, le 20 juillet, le comité élit un état-major

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particulier chargé de la police militaire. Basire cadet est encore au nombre des élus.
Le même registre nous apprend aussi que les nobles sont consignés dans la ville avec défense d'en sortir. Le comité consulte les compagnies de la garde nationale sur l'utilíté de maintenir ou de lever cette consigne. Par 1.633 voix contre 728, les gardes nationaux se prononcèrent, le 23 juillet, pour son maintien.
L'initiative prise par Basire, disent encore les jacobins dans leur adresse, “étoit d'autant plus hardie que Dijon étoit alors le siège de tous les pouvoirs et de toutes les autorités aristocratiques de la ci-devant province de Bourgogne, telles que le commandant, les élus de la province, le parlement tenant les chambres assemblées, la chambre des comptes, le bureau des finances, le haut clergé, le grand prévót et la maréchaussée. Nota. On ignorait alors ce qui se passoit a Paris.”
Basire fait donc dès le début figure de meneur, et de meneur audacieux. “Il fut un des fondateurs de la société patriotique de Dijon”, ajoute la même adresse.
Le club patriotique de Dijon, qui fut sans doute l'un des premiers, sinon le premier qui ait été organisé en France, était sur pied dès la fin de juillet 1789. Sa première circulaire, qui date de la Grande Peur, était adressée aux syndics et aux curés des paroisses pour leur demander des renseignements sur les événements. Leurs lettres devaient être adressées “à M. Maret, ingénieur voyer de la ville, ou à M. Bazire puiné, commis des Etats de Bourgogne, secrétaire”.
La circulaire était signée du futur conventionnel Guyton de Morveau, en qualité de président du club, de l'avocat Durande, vice-président, et de Maret et Basire, secrétaires.

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Le club, le comité permanent et l'état-major de la garde nationale comprenaient les mêmes hommes. La circulaire du club se terminait par l'Avis suivant qui montre sur le vif l'union intime des trois organisations:

Le Comité et l'état-major de la commune de Dijon n'ont pu apprendre qu'avec douleur les excès auxquels quelques particuliers se sont livrés dans les campagnes... (suit un récit des désordres et des événements de Paris). Craignons de donner l'exemple d'une licence dont nous pourrions tous devenir les victimes... (suit un appel aux curés). Fait en la Chambre du conseil de I'Hotel de Ville de Dijon le vendredi 24 juillet 1789.

Parmi les signataires de cet appel, je relève le nom de Basire cadet, officier de l'état-major.
Le révolutionnaire Basire traitait les nobles en suspects, mais il n'était pas pour autant un homme de désordre. La jacquerie paysanne l'effrayait.
Le club qu'il avait fondé avec son voisin et ami Guyton de Morveau était une réunion bourgeoise, dont la cotisation élevée, deux louis pour la première année, écartait les gens de peu.
Que Basire fût homme d'initiative, c'est encore ce que sous montre une proposition qu'il fit, au mois de septembre 1789, pour réorganiser la garde nationale de Dijon en la répartissant par "districts". Mais la proposition, cette fois, fut mal accueillie. La grande majorité des compagnies consultées s'y montra hostile. Basire n'insista pas. Il s'inclina de bonne grâce.

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Le club avait fondé un journal, le Journal patriotique du département de la Côte-d'Or. Basire y collabora assidument. Ce beau zèle devait avoir sa récompense. Aux élections pour la formation des premiers corps administratifs, Basire fut nommé coup sur coup électeur par la section des jacobins, puis administrateur du district avec son ami Maret, au début de juin 1790.
A la Fédération des quatre départements de l'ancienne Bourgogne, qui eut lieu à Dijon le 18 mai 1790, il avait figuré comme capitaine porte-enseigne des volontaires de la garde nationale.
Quand se déchaîna, à la fin de 1790, la guerre religieuse, Basire se lança à corps perdu dans la bataille. Il fit paraître dans le Journal patriotique du 23 novembre un violent article contre l'évêque de Dijon, qui refusait d'exécuter la Constitution civile du clergé. Dès lors, il devint la bête noire des aristocrates. Leur porte-parole, Moreau puîné, qui rédigeait l'Ami des bons citoyens, lui répliqua par des injures. Basire le suivit sur le même terrain. Dans le Journal patriotique du 28 décembre 1790, il disait de son adversaire « Le corps de cet animal terrassé par la débauche a flétri son áme et fait ramper son esprit. Il se courbe actuellement de telle sorte à l’aspect du Veau d'or que l'on ne connaît guère que la verge d'Aaron qui puisse le redresser.
L'aristocrate Moreau puîné était l'âme d'un club royaliste qu'on appelait le club Tussat, du nom du menuisier qui lui avait loué le local ou il tenait ses séances. Basire fit contre ce club et contre la municipalité, qu'il accusait d'aristocratie, une vive campagne qui aboutit. Le club Tussat fut fermé. Le maire Chartraire de Montigny et sa municipalité perdirent la confiance des patriotes.

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Les aristocrates se vengeaient comme ils pouvaient. L'annaliste Baudot note dans son journal: “On dit que la femme d'un des Messieurs Bazire, zélé clubiste et extreme patriote, ayant rencontré dans la rue, le même jour du bruit fait a St-Jean (à l'occasion des inventaires), c'est-à-dire le 1er décembre 1790, une des femmes qu'elle connaissait, elle lui demanda ce qui avait causé cette rumeur, celle-ci feignant de ne pas la connaître lui répondit: Madame, on cherche Messieurs Bazire pour les écorcher tout vifs.”
Les jacobins rappellent dans leur apologie de Basire, que j'ai déja citée, que “les ennemis de la Révolution suscitèrent différentes émeutes pour le perdre; mais son courage et son énergie le sauvèrent. Ils ne purent parvenir à le faire exclure du corps des artilleurs, malgré toutes leurs manoeuvres.” On trouve, en effet, dans les papiers de Basire, un certificat constatant que Claude Basire a servi dans la première compagnie des volontaires artilleurs de la garde nationale de Dijon depuis la formation de ce corps en qualité de fusilier.
Quand on leva les premiers bataillons de volontaires, après Varennes, les Affiches de Dijon ouvrirent une souscription en leur faveur. Basire s'inscrivit à la date du 7 juillet pour 50 livres; Guyton de Morveau, alors procureur général syndic du département, s'inscrivit pour 300 1ivres deux jours plus tard.
La campagne électorale pour la nomination des députés a la Législative était ouverte. Basire prononça au club, Ie 7 aout 1791, un grand discours pour recommander le mariage des prêtres: “II est temps de nous assurer du civisme

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des prêtres en les attachant à la patrie par les liens du mariage et de la paternité”. Le club, enthousiasmé, vota l'impression de son discours.
Si on ajoute qu'en 1790 Basire avait tonné contre la loi martiale et s'était opposé à sa publication, et qu'il avait protesté par la plume contre le décret sur le marc d'argent, on comprend qu'il ait été l'espoir des patriotes les plus avancés.
Il ne fut élu député que le dixième et dernier de la liste, après Guyton de Morveau, son ami, qui partageait sans doute ses opinions. Les jacobins diront plus tard que ses adversaires “les mouchetés, modérés, feuillans et endormeurs de toute espèce” s'étaient ligués contre lui et avaient cabalé avec acharnement contre sa candidature.

Ce bref résumé du rô1e politique joué par Basire a Dijon n'était pas de mon sujet. J'ai cru, cependant, pouvoir en toucher un mot parce que la matière est généralement peu connue. Mais, dorénavant, je m'abstiendrai de suivre Basire dans ses interventions à la tribune de la Législative ou de la Convention.
Basire partit seul pour Paris. Sa femme resta à Dijon avec son enfant.
Basire n'eut pas de peine à se procurer dans la capitale les consolations dont il pouvait avoir besoin. Théodore de Lameth, qui essaya de l'intéresser en faveur de son frère Charles, arrété après l'insurrection du 10 août, a raconté dans ses Mémoires comment il fut reçu au domicile du conventionnel, qui était devenu un des chefs du parti vainqueur et qui vice-présidait le Comité de Sûreté générale:

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Je courus chez Basire. Il étoit absent, mais je fus bien accueilli par sa gouvernante. Excellente femme ! Agathe, je n'ai pas oublié votre nom, bien moins votre compassion, votre humanité. Serai-je seul à les rappeler quand vous vous êtes unie à tant de douleurs, quand vous avez séché tant de larmes, rendu généreusement tant de services ! Agathe m'indiqua l'heure où je trouverois Basire, puis elle me dit: “Sans doute vous avés aussi du chagrin, puisque vous venés ici; tant de gens en ont à présent !” et elle sembloit m'inviter à lui faire part de ce que j'éprouvois. Sa bienveillance et l'idée que son intervention pouvoit m'être utile m'y décidèrent. Je lui appris que j'étois député et mon nom la fit tressaillir. “Vous êtes bien malheureux”, me dit-elle, “votre frère est prisonnier, l'autre est-il sauvé ? Mais vous-même vous n'êtes guère en sûreté. Vous vous asseyez bien loin de M. Basire. C'est égal, il vous rendra service, s'il le peut. Quoi que cela ne soit pas nécessaire, je lui parlerai, revenés demain.” Tout se payoit alors, c'est l'usage dans les troubles, dans les désordres publics. J'avois assuré Agathe de ma reconnoissance, j'essaie avec embarras de lui en donner une preuve, mais, en souriant, avec une douceur qui laissoit apercevoir la fierté, elle me dit: “Vous vous trompés, Monsieur !”

La bonne Agathe, qui avait tant d'empire sur Basire, ne voulait pas qu'on la traitât en domestique. Elle tint parole. Elle parla a Basire et celui-ci joignit ses efforts à ceux de Danton pour sauver le feuillant Charles Lameth qui avait conspiré avec la Cour à la veille du 10 août. Théodore Lameth nous dit encore qu'il revint plusieurs fois chez Basire et qu'il trouva toujours celui-ci “aussi bien disposé et Agathe aussi bonne”.

Basire aurait bien fait de se contenter d'Agathe, mais son coeur volage était incapable de se fixer et Paris présentait trop de tentations ! On s'étonne cependant qu'il soit si facilement tombé dans les filets d'une aventurière qui

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passait avec raison pour l'espionne appointée du gouvernement hollandais.
Etta Palm, qui se faisait appeler la baronne d'Aelders, était une professionnelle de la galanterie. Grande et bien faite, elle s'entendait a dissimuler son âge. A 48 ans, elle faisait la conquête du député Choudieu, un bel homme, qui avait été garde du corps. Son salon de la rue Favart était fréquenté par les journalistes et les hommes politiques du parti jacobin, auxquels elle tirait les vers du nez. Son grand dada était le féminisme. Elle menait une campagne ardente en faveur de l'égalité complète des deux sexes. Elle eut l'idée de s'adresser a Basire pour obtenir son appui. Basire promit tout ce qu'elle voulut. Il écrivit une lettre aimable et l'astucieuse coquette lui répondit par cette déclaration en règle, dont je respecte les fautes d'orthographe:

Conserver l'ancienne galanterie française avec l'austérité des nouveaux principes, c'est trop aimable, il y aura là de quoi faire tourné (sic) une tête raisonnahle.
Vous prenez l'engagement de plaider notre cause, aimable législateur. Soyé sûre (sic) de notre reconnoissance, mais votre âme pure veut avec ardeur ce qui est juste et ne croit pas qu'on peut vouloir autrement.
Ah ! vous vous trompés quant vous croiés trouver le même sentiment chez tout vos collègues; tel veut l'affranchissernent des esclaves de l'Amérique et soutient le despotisme marital.
Il est doux pour une áme hautaine de se faire obéir. Montesquieu voit les hommes enchafés par l'amour, ah ! si les chaînes sont bien tissue, ils se portent en commun, ils ne peuvent alors produire qu'une force indivisible qui soutient contre toute les orages de l'inconstance du sort.
Je ne prendrai jamais la pratique de Rousseau pour modèle

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d'époux ou de père, je trouve même quelque chose de rebutant dans sa maniere d'aimer et il y a bien des Rousseaus à cet égard. Je ne sais, mais il me semble : quant l'amour n’est pas un sentiment sublime, c'est un bien vil.
Vous vonlez que nous descendons au fond de votre coeur. Ah ! combien vous y perdriez; en général ! combien de fois faite vous parade des sentimens que vous ne senté pas, que vous ne connoisés pas, tandis que l'austère étiquette nous oblige de dissimulé celles qui nous dévorent.
Hé ! que nous importent vos hommages lorsqu'elles ne sont que le produit d'une imagination échaufé. Vous faites votre cour? Mais pour vous ; où est l'homme qui peut aimer tendrement s'il n'a pas l'espoir de soumettre un jour l'objet de son désir. Ah ! Monsieur, il y a bien peu d'individues (sic) qui connoissent l'amour.
Pardon, Monsieur, de mon radottage. J'ai déja trois fois déchiré ma lettre. C'est que je suis si contente d'avoir trouvé en vous un défenseur pour la plus foible, mais la plus intéressante moitié de l'humanité, que je ne sais trop ce que je dis.
Je voulois vous encouragé dans cette intention généreuse. Je voulois vous dire que je viens de faire un petit ouvrage pour demander à l' Ass. nat. une éducation morale pour les filles, et la loix de divorce. Je desirois bien de vous consulter sur cet objet.
Je voudrois bien encor vous parler sur ce que j'ai eu l'honneur de vous mander dans ma précédente au sujet des Pays-Bas ? C'est un objet tres intéressant et auquel nos législateurs ne paroissent pas faire grande attention. Cependant ils en peuvent tiré un tres grand parti : je voudrois vous parler patrie et politique, et je vous ai parler coeur et sentiment. Cet votre faute, pour quoi aussi me dire que vos coeurs autrichiens nous appartiennent, moi qui a fait depuis longtemps divorce avec le fils de la déesse de graces, qui veut sacrifié les jours qui me restent dans le temple de l'amitié, sur l'autel de la patrie. Je me suis senti ému à la lecture de votre charmant epitre, sans doute est-ce la reconnoissance ; elle seroit au comble si vous vouliez y ajouter une grace, celle de me sacrifier votre premier moment de loisir. Je sais que vos momens appartiennent à la patrie et que vous n'avez que l'heure du diné à vous. Si j'osois vous offrir un repas simple de l'amitié, mais

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où le coeur préside, je dirois que le mot fraternité n'est un vain son pour vous ; et vous serai reçu comme la femme de Philémon reçut le maître du Tonnerre ; le jour que vous voudrai me annoncer sera celle où je vous reiterai de vive voix les sentimens fraternel de votre concitoyenne.
P. d'AELDERS
rue de Favart no 1. (1)

Le pauvre Basire accepta l'invitation. Il fut vite enchaîné. La correspondance continua sur le ton le plus tendre. La belle affecta bientôt d'être jalouse.

Ce Lundi soir a 9 ½ heure (19 déc. 1791).

Oh ! pour le coup, mon ami, vous avez trouvé une plus aimable à vos yeux que moi, sans doute hier soir, au jacobins, vous avez été enchaîné, dimanche au soir, car à 9 heures je vous ai fait rappellé trois fois sans pouvoir vous posséder et nous sommes tristement retourné chacun chez soi sans embrasser notre aimable hôte.
J'ai su a mon dîné aujourd'hui ce malheureux veto, quoique je m'i attendoit, j'en ai été consterné. Il ne faut eependant pas croire tout perdu ; la motion de Leveque au comités passera-t-elle, mandé le moy ; c'est à dire venez me le contér a diné demain, car, quoique vous aves aisement trouvé une plus aimable, vous n'en trouverai guerre qui se sent mieux disposer a vous aimé, a être votre soeur, votre amie, votre guide dans ce cruel (sic) Babilone, et vous en avez besoin mon ami, comme je me sens disposé à vous aimé pour vous, je ne rougis pas de faire infraction au rigueurs des préjugés en vous avouant que je vais me couché le coeur affligé, l'esprit inquiet de ne pas avoir vu depuis 24 heure l'objet de mes tendres inquiétudes.
Avez-vous en la complaisance, cher ami, de me avoir un billiet pour demain au matin a la séance comme vous m'aviez promis,

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si cela est, envoyé le moy, si non j'irai vous prendre en passant et de bon heure et vous me présenterai à la tribune, enfin nous trouverons bien moyens de y entrer et nous reviendrons diné ensemble si toutefois vous m'aimé encor un peu.
Adieu, mon aimable ami, je vous envois un bien jolli baiser fraternel. Je ne crois pas avoir besoin de signé pour être reconnue. Où êtes-vous donc mon ami ? je me trouve bien seul.

Ce 20 à 7 h. du matin.

J'ai fermé mes paupières en causant avec vous, cher Bazire, vous serai encor le premier qui occupera mon ceeur et mes yeux en les rouvrant. Cela ne ressemble-t-il pas à ce qu'on appelle aimer, quoi qu'il en soit, venez diné avec moy ; le temps est si mauvais pour aller à l'assemblée au moins que vous ayez un billiet et que vous veniez me prendre. Adieu. J'embrasse mon pauvre mallade 1)

Basire revint plus d'une fois à l'entresol de la rue Favart. La pseudo-baronne sut le retenir et le captiver. On aura une idée de l'empire qu'elle exerçait sur lui en lisant ces deux lettres inachevées, simples brouillons, qu'il lui écrivait dans les derniers temps de la Législative, pendant la crise des massacres de septembre:

Ma chere amie, si quelque chose peut me consoler de ne pas vous voir, c'est de penser que vos beaux yeux n'ont pas été souillés des tableaux hideux dont nous avons eu, tous ces jours-ci, le spectacle déchirant. Mirabeau disoit : “Rien de plus révoltant et de plus épouvantable dans ses détails qu'une révolution ; rien de plus beau dans ses conséquences pour la régénération des empires.” Cela peut être, mais combien il faut de courage pour être homme d'état et conserver une tête froide dans de pareils boulleversemens et dans des crises aussi terribles. Vous connoissez mon coeur. Jugez de la situation de mon âme et de l'horreur de ma position. Il faut que l'homme sensible s'enveloppe la tête de son manteau et qu'il se précipite a travers les cadavres pour s'enfermer dans le

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Temple de la loi et n'envisager que la masse. C'est ainsi que toujours je veux m'arracher du théatre des massacres et que l'assemblée, dans la vue d'apaiser les furieux, comptant sur l'intérêt que doivent exciter ma jeunesse et quelque peu de popularité dont je me trouve investi, me renvoy au milieu d'eux et ne pense pas que l'humanité, dont elle me constitue l'organe, devient mon propre bourreau.
Ecoutez le recit de ce que j'ai vu et croyez que je vous épargne encore bien des détails pour ne pas abuser de votre sensibilité et parce qu'il me répugne de les retracer.
Hier au soir des membres du conseil général de la commune de Paris annoncent a l'assemblée que le peuple s'est porté sur les prisons et qu'il égorge les détenus. Je suis aussitôt nommé commissaire avec 5 de mes collègues pour lui porter des paroles de paix. Nous partons. Quelques amis me peignoient en route l'état actuel des choses devant les prisons de l'abbaye Saint-Germain. Je précipitois mes pas, je gémissois de la lenteur de notre cortège. Nous arrivons. La porte de la prison donne sur une rue longue et étroite que l’on apelle la rue Ste Marguerite. Les maisons en sont très hautes. Il y fait nuit beaucoup plus tôt que partout ailleurs. Alors il y regnoit une obscurité profonde, à laquelle on avoit opposé que la lueur sepulchrale de quelques flambeaux et de plusieurs chandelles qui se trouvoient placées sur les croizées.

Ainsi Etta était devenue la confidente des plus intimes pensées du jeune conventionnel déja fatigué et désabusé. Il lui contait ses peines et lui ouvrait son âme mélancolique. C'est ce que montre mieux encore cet autre brouillon de lettre, mis sous les scellés, comme le précédent, au moment de l'arrestation de son auteur, à un an et demi de là.

Il y a bien longtemps, ma chère amie, que je n'ai reçu de vos nouvelles et jamais peut-être, elles ne me furent plus nécessaires. Jettez donc quelques fleurs sur mon existence. Je ne vois plus rien qui parle à mon coeur si ce n’est pour le déchirer. Depuis plusieurs jours, pas une émotion flatteuse n’est venue faire une diversion salutaire aux pénibles sentimens qui m'agitent. Une

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révolution, telle que celle dans laquelle nous nous trouvons, doit faire époque dans notre histoire et j'ose croire que c'en sera la plus brillante ; rien n’est plus beau dans son ensemble, rien ne présente au génie de l'homme d'Etat un champ plus vaste et plus fertile pour les générations futures ; mais je ne connois rien de plus hideux et de plus épouvantable dans ses détails, de plus accablant pour la génération présente et de plus cruel pour les hommes publics que leur situation en constitue les terribles agens.
Depuis la fatale dictature que l'assemblée nationale a remise à son Comité de Surveillance, depuis que nous sommes chargés de veiller à la sureté générale de l'empire et de poursuivre tous les conspirateurs, je suis devenu, comme secrétaire du comité, l'un des plus malheureux instrumens de la vengeance du peuple, et pour maintenir la masse en paix, je suis obligé de porter perpétuellement le trouble et la désolation dans les familles.
Ce n'est plus, comme autrefois, pour apprécier un ami et dans la vue de me pénétrer toujours davantage du sentiment de la bienveillance universelle que je descens au fond du coeur humain ; je n’en sonde aujourd'hui les profondeurs que póur atteindre le crime et ma vue n'y rencontre plus que des horreurs. Je ne fais pas une question qui n'ait pour objet de convaincre un coupable, pas une observation qui ne soit à la charge des accusés et ne puis faire autrement sans trahir ma conscience qui est devenue le seul bien qui me reste ; je n'écris pas un mot qui n'arrache des larmes à des épouzes, à des enfants, à des parens, à des amis. L'homme le plus sensible est devenu...

C'était à l'espionne du stathouder que le secrétaire du Comité de Sureté générale, chargé de réprimer les complots contre la patrie et contre la sûreté de l'Etat, faisait ces confidences désenchantées. Craignons qu'il ne lui en ait fait d'autres qui tiraient plus a conséquence. Mais Basire ne fut pas, hélas ! Le seul des amis de Danton que l'amour du beau sexe conduisit à des relations dangereuses. Son camarade de plaisir, le capucin Chabot, était pour le moins aussi mal entouré.

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Après une liaison qui avait duré une année, Etta quitta Basire à la fin de novembre 1792 pour retourner en Hollande, où notre ministre des affaires étrangères Lebrun lui servit une mensualité. L'adroite intrigante recevait en même temps une pension du gouvernement français et un traitement du gouvernement hollandais.

In de rest van het hoofdstuk komt Etta niet meer ter sprake, maar gaat het alleen over het verdere (korte) leven van Claude Basire.


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