Dit Discours wilde Etta uitspreken op de bijeenkomst van
de sociëteit Vrienden van de Waarheid op 3 december 1790 in het
Cirque in de tuin van het Palais-Royal. Na wat gepalaver met het
presidium van de bijeenkomst en de zaal werd het voorgelezen door
een van de mannelijke secretarissen van de sociëteit. Zie de
beschrijving in nummer 30 van de jaargang 1790 van de Bouche
de fer op deze pagina.
De vergadering besloot dat het Discours in druk moest
verschijnen en het werd afgedrukt in nummer 1 van de jaargang 1791
van de Bouche de fer, zie de vermelding bij dat nummer op
deze pagina..
Later in 1791 nam Etta het op in haar boek Appel aux Françoises, waarin het het tweede gedeelte is. Zie voor een overzicht van alle gedeelten uit het boek deze pagina. Daar staat ook beschreven hoe het boek inclusief het Discours als pdf valt op te halen.
Eerder al, in mei 1791, had de sociëteit Amis de la Constitution
in de plaats Caen besloten tot een herdruk van 1.000 stuks van het
Discours, Die herdruk valt ook als pdf op te halen bij
gallica.fr. Met op het slot een korte verklaring van de sociëteit,
die door Etta ook is opgenomen als noot op pagina 46 van het
Appel.
NB: Als datum van het Discours wordt vaak 30 december
1790 genoemd, maar dat blijkt niet te kloppen. Zie daarvoor het
overzicht van het blad van de sociëteit Bouche de fer en
een reconstructie van de zittingen van de Vrienden van de
Waarheid, waaruit ook blijkt dat er op 30 december helemaal geen
bijeenkomst was, op deze
pagina.
Sur l'injustice des Loix en faveur des Hommes, au dépend des
Femmes, lu à l'Assemblée Fédérative des Amis de la Vérité, la 3e
décembre 1790.
Par Madame Etta-Palm d'Aelders
Puisque vous me permettez de prendre la défense de mon sexe, je
commence par solliciter son indulgence, si mes lumières et vies
moyens ne répondent pas à la tâche que j'ai entreprise, et à ce
qu'il pourroit attendre de la justice de sa cause; et pour vous
Messieurs, je vous prie de considérer que je suis femme, née et
élevée dans un pays étranger. Si la construction de mes phrases
n'est pas selon les règles de l'Académie Françoise c'est que j'ai
plus consulté mon coeur que le Dictionnaire de l'Académie.
MESSIEURS,
Vous avez admis mon.sexe à cette association patriotique des Amis
de la Vérité; c'est un premier pas vers la justice; les augustes
représentans de cette heureuse nation viennent d'applaudir à
l'intrépide courage des Amazones dans l'un de vos départemens, et
leur permettent de lever un corps pour la défense de la patrie.
C'est un premier choc aux préjugés dont on a enveloppé notre
existence; c'est un coup violent porté à celui de tous les
despotismes le plus difficile à déraciner.
Ne soyez donc pas justes à moitié, Messieurs: vous avez voulu, et
bientôt les murs de ces orgueilleuses forteresses, qui faisoient
l'humiliation et l'opprobre des François, se sont écroulés avec
fracas, détruisez de même ces remparts des préjugés, plus
dangereuse peut-être, parce qu'ils sont plus nuisibles au bonheur
général.
La justice doit être la première vertu des hommes libres et la
justice demande que les loix soient communes à tous les êtres,
comme l'air et le soleil; et cependant partout, les loix sont en
faveur des hommes
aux dépens des femmes, parce que par-tout le pouvoir est en vos
mains. Quoi ! des hommes libres, un peuple éclairé
consacreroient-ils, dans un siècle de lumière et de philosophie,
ce qui a été l'abus de la force dans un siècle d'ignorance?
Soyez justes envers nous, Messieurs, vous que la nature créa bien
supérieurs en forces, physiques, vous avez gardé pour vous toute
la facilité du vice, tandis que nous, qui avons une existence si
fragile, dont la somme des maux est énorme, vous nous avez donné
toute la difficulté de la vertu en partage; et cette formation
délicate de la nature, a gravé plus profondément votre injustice,
puisqu'au lieu d'y suppléer par l'éducation et par des Ioix en
notre faveur, il semble que l'on nous forme uniquement pour vos
plaisirs, tandis qu'il se-roit si doux, si facile, de nous
associer à votre gloire !
Les préjugés dont on a environné notre sexe, appuyés sur des loix
injustes, qui ne nous accordent qu'une existence secondaire dans
la société et nous forcent souvent à l'humiliante nécessité de
vaincre l'acariâtre ou féroce caractêre d'un homme, qui, par la
cupidité de
nos proches, étant devenu notre maître, à fait changer pour nous
le plus doux, le plus saint dès devoirs, celui d'épouse et de
mère, dans un pénible et affreux esclavage.
Oui, Messieurs, rien de plus humiliant que d'exiger comme un
droit, ce qu'il seroit glorieux d'obtenir par son choix; de
surprendre, par adresse, ce qu'il est si doux de ne devoir qu'au
sentiment; d'acquérir votre coeur, votre main, l'association d'un
compagnon de la vie, d'un autre nous-même. par ce qni n'est pas
nous, par une soumission aveugle aux volontés de nos parens, et
faire une étude particulière de la coquetterie, pour adoucir notre
captivité; car il faut le dire, MM. ce sont le plus souvent des
minauderies, des petits riens, l'attirail de la toilette, j'ai
presque dit, des vices même, qui nous obtiennent vos suffrages et
la prêférenec sur une ame élevée, un vaste génie, un coeur
vraiment sensible, mais délicat et vertueux.
Hé ! quoi de plus injuste ! notre vie, notre liberté, notre
fortune, n'est point à nous; sortant de l'enfance, livrée à un
despote que souvent le coeur repousse, les plus beaux jours de
notre vie s'écoulent dans les gémissemens et les larmes, tandis
que notre fortune devient
la proie de la frande et de la débauche. Hé ! ne voit-on pas
journellement des citoyens honnêtes, des pères de famille,
entraînés dans les cloaques infects dont la capitale abonde, ivres
de vin et de débauche, oublier qu'ils sont époux et pères, et
sacrifier en holocaustes, sur l'autel de l'infamie, les larmes
d'une épouse vertueuse, la fortune et l'existence de ceux qui leur
doivent le jour !
Ah ! Messieurs, si vous voulez que nous soyons zélées pour
l'heureuse constitution qui rend aux hommes leurs droits,
commencer donc par être justes envers nous; que dorénavant nous
soyons vos compagnes volontaires et non vos esclaves ? Qu'il nous
soit possible de mériter votre attachement ! Croyez-vous que le
desir des succès nous est moins propre, que la renommée nous est
moins chère, qu'à vous ? Et si le dévouement à l'étude, si le zèle
du patriotisme, si la vertu même, qui s'appuye si souvent sur
l'amour de la gloire, nous sont naturels comme à vous, pourquoi ne
nous donneroit-on pas la même éducation et les mêmes moyens pour
les acquérir ?
Je ne vous parlerai pas, Messieurs, de ces hommes iniques qui
prétendent que rien ne
peut nous dispenser d'une subordination éternelle (1); n'est-ce
pas une même absurdité que si l'ont avoit dit aux François le 15
juil 1789: Laissez-là vos justes réclamations; vous êtes nés pour
l'esclavage; rien ne peut vous dispenser d'obéir éternellement à
une volonté arbitraire.
Vous avez pris les armes, Messieurs, et aussitôt l'hydre de la
tyrannie épouvantée s'est retirée au fond de sa caverne, ou elle
n'attend plus qu'un dernier coup pour expirer. Nous ne croyons pas
avoir besoin auprès de vous, Messieurs, pour rompre les chaînes
ignominieuses qui nous accablent, que des armes que la nature nous
a donnés, les talens, le mérite la vertu et cette foiblesse même
qui fait notre force, et qui nous fait si souvent triompher de nos
superbes maîtres.
Oui, Messieurs, la nature nous a créées pour être .les compagnes
de vos travaux et de votre gloire. Si elle; vous donna un bras
plus nerveux, elle nous fit vos égales en forces morales, et vos
supérieures peut-être par la vivacité de l'imagination, par la
délicatesse des sentimens, par la résignation dans les revers
par la fermeté dans les douleurs, la patience dans les
souffrances, enfin en générosité d'ame et zèle patriotique; et si
ces qualités naturelles étoient fortifiées par une éducation
soiignée, par l'encouragement de vos suffrage, par des récompenses
publiques, je ne crains pas de le dire, notre sexe surpasseroit
souvent le vôtre; car l'éducation et la philosophie
n'avoient-elles pas élevé l'ame de l'illustre fille de Caton
au-dessus des hommes de son siècle ? Et sans les vertus civiques
de la mère de Coriolan, Rome n'eût-elle pas été saccagée par les
Volaques ? L'intrépide courage des femmes ne surpassoit-il pas
celui ses hommes à la bataille de Salamines ? Quel homme a montré
plus de constance dans les revers que la mère des Gracques, cette
illustre Cornélie, la merveille de Rome ? Et n'est-ce pas la femme
de Pétus qui osa plonger le poignard dans son sein innocent, pour
lui inspirer le courage de prévenir une mort honteuse ? Et combien
de femmes n'a-t-on pas vu vaincre cette puérile éducation, plus
faite pour les esclaves d'un sérail, que pour des compagnes
d'hommes libres ? Le long règne d'Elisabeth n'a-t-il pas été un
prodige d'activité politique ? La pucelle d'Orléans
n'a-t-elle pas été un prodige de courage ? Et cette Catharine
seconde, malgré toute sa perversité, n'est-elle pas encore
l'étonnement de l'Europe ?
Mais pourquoi chercher si loin, lorsque nous avons des exemples au
milieu de nous. Les citoyennes françoises, vos épouses, vos soeurs
et vos mères, Messieurs, n'ont-elles pas donné à l'univers un
exemple sulime de patriotisme, dc coutage et des vertus civiques ?
Ne se sont-elles pas empressées de sa¢rifier lcur bijoux pour le
besoin de la patrie ? Et cette ardeur héroique avec laquellc leurs
mains délicates ont partagé vos travaux pénibles au champ de la
confédération, vous ont-elles cédé en efforts pour former l'autel
de la patrie, qui a reçu le serment qui consolide cette liberté,
cette égalité, ce bonheur de n'être qu'un peuple de frères.
Oui, Messieurs, ce 'sont elles qui animent tous lès jours votre
courage pour persévérer et .combattre sans relâche les ennemis de
votre liberté. Ce sont elles qui empreignent dans Ì'ame de vos
chers enfans ces mots recueillis sur les lèvres mourantes des
victimes de la Patrie: Vivre libre ou mourir.
Que notre sainte révolution, qu'on doit an progrès dè la
philosophie, opère une seconde révolution dans nos moeurs; que
l'appareil de la sévérité si déplacé envers nous, et que la vraie
philosophie condamne, fasse place à la loi douce, juste et
naturelle; que votre amour, votre amitié, vos suffrages soient
dorénavant la récompense des citoyennes vertueuses; que des
couronnes civiques, remplacent sur ces têtes intéressantes, des
misérables pompons, symboles de la frivolité, et les signes
honteux de notre servitude.
Note de la fin du premier Discours, p. 9.
Extrait du procès-verbal des Amis de la Constitution à Caen, du 25
Mai 1791.
Après la lecture du Discours ci-dessus, il a été unanimement
applaudi, et la Société sentant toute l'importance des principes
qui y sont consignés en a ordonné la réimpression, au ombre de
mille exemplaires, pour être distribués aux dames, à la prochaine
séance publique, dans l'espoir de fortifier les unes dans leurs
résolutions, et de ramener les autres à la vraie voie.
Signés, Dejean, Président, Victor Feron et Faret, Secrétaires.
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